Les agressions sexuelles au Québec
Le secteur juridique est souvent perçu comme un bastion conservateur, parfois accusé de traîner derrière les évolutions sociales en cours. Cette tendance se manifestait également dans les décisions rendues concernant les demandes de dédommagement pour des cas d'agressions sexuelles.
Cependant, force est de constater que les tribunaux judiciaires adoptent désormais une approche plus progressiste en condamnant les agresseurs à verser des indemnités qui reflètent adéquatement la gravité des séquelles subies par les victimes d'agressions sexuelles.
La Cour Suprême a récemment adressé un message clair aux tribunaux de première instance, soulignant l'importance de considérer sérieusement les conséquences dévastatrices de telles agressions sur la vie des victimes. Cette directive vise à garantir que les dédommagements accordés aux victimes reflètent pleinement les dommages physiques, psychologiques et émotionnels qu'elles ont subis.
Cette évolution marque un progrès significatif dans le domaine judiciaire, démontrant une volonté de reconnaître et de prendre en compte les réalités complexes des agressions sexuelles. En adoptant une approche plus sensible et éclairée, les tribunaux contribuent à promouvoir la justice :
« Troisièmement, nous tenons à souligner que les tribunaux doivent reconnaître le caractère répréhensible de la violence sexuelle même dans les cas où l’atteinte à l’intégrité physique est moins prononcée. Bien entendu, l’aggravation de l’atteinte à l’intégrité physique exacerbe le caractère répréhensible de la violence sexuelle. La violence sexuelle à l’égard des enfants demeure toutefois intrinsèquement répréhensible, quel que soit le degré d’atteinte à l’intégrité physique. Plus précisément, les tribunaux doivent reconnaître la violence et l’exploitation présentes dans toute atteinte physique de nature sexuelle à un enfant, qu’il y ait eu ou non pénétration. »[1]
Voici quelques extraits de condamnations significatives visant à compenser les lourdes séquelles des victimes d’agression sexuelles.
« H… C… réclame 235 000 $ de son oncle, V… CI…, relativement à des abus sexuels dont il aurait été victime alors qu’il était âgé entre 9 et 17 ans.
[...]
« Bien qu’aucune somme d’argent ne puisse véritablement réparer le préjudice subi par H... C..., le Tribunal considère juste et approprié d’accorder une somme de 125 000 $ pour ses dommages moraux, psychologiques et physiques et pour l’atteinte illicite à la dignité et à l’intégrité de sa personne. »
[…]
« Considérant la gravité des atteintes illicites et intentionnelles commises, le Tribunal fixe les dommages exemplaires à 25 000 $. »[2]
« N... B... (N... B...) réclame 1 426 825 $ de son oncle, G... A... (G... A...) en raison des abus sexuels qu’il lui a fait subir alors qu’elle était âgée entre 9 et 16 ans.
Elle réclame également cette somme de ses parents, Ge... A... (Ge... A...) et R... B... (R... B...), solidairement avec G... A... Elle soutient que ses parents ont failli à leur devoir de garde, de surveillance et d’éducation permettant ainsi à G... A... d’abuser d’elle sexuellement. »
[…]
« CONDAMNE solidairement les défendeurs G... A..., Ge... A... et R... B... à payer à la demanderesse N... B... 806 306,18 $ avec intérêts et indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., depuis l'assignation.
[…]
CONDAMNE les défendeurs G... A..., Ge... A... et R... B... à payer à la demanderesse N... B... les montants respectifs de 25 000 $, 15 000 $ et 15 000 $ avec intérêts et indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., depuis la date du présent jugement. »[3]
[1] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 145
[2] H.C. c. V.CI. 2016 QCCS 858, par. 1, 186 et 196
[3] N.B. c. G. A., 2021 QCCS 3179, par. 2, 3, 260 et 262